
Quelles sont les causes des mauvais résultats en lecture des élèves français aux évaluations nationales et internationales ?
La lecture est une compétence clé, qui détermine pour une large part la réussite dans l’ensemble des apprentissages ; on peut même considérer qu’elle est le fondement de tous les autres enseignements. Au-delà des compétences scolaires, elle constitue également le socle de l’essentiel des compétences sociales.
Les rapporteurs espèrent que le « choc des savoirs », promis par Gabriel Attal le 5 octobre quand il était ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse, et alors que les rapporteurs avaient déjà entamé leurs travaux, se produira. En effet, les résultats des enquêtes nationales et internationales demeurent extrêmement préoccupants, et ce dans toutes les disciplines – car, si le rapport est centré sur l’apprentissage de la lecture, les constats valent assez largement pour l’ensemble des autres savoirs. »
Mme Annie Genevard et M. Fabrice Le Vigoureux,
rapporteurs de l’Assemblée nationale, en conclusion des travaux de la mission d’information relative à l’apprentissage de la lecture
24 janvier 2024
1. La France, sacrée cancre en français et en maths à l’international
Le 5 décembre 2023, le couperet est tombé : sur les 85 pays participants à l’évaluation PISA 2022, la France occupe la 26e place du classement en mathématiques, et la 29e en lecture. Soit une chute de 21 points depuis la dernière étude de 2018, une dégringolade historique puisqu’il s’agit de « la plus importante [baisse] observée depuis la première étude PISA ». Elle arrive même en dessous de la moyenne de l’OCDE.

Ce constat se trouve confirmé par la Depp dans une note publiée en août 2024, faisant le bilan des résultats des tests de lecture effectués lors de la journée Défense et citoyenneté de 2023 auprès des 794 800 convoqués, âgés de 17 et 18 ans. Ces résultats sont pour le moins préoccupants. Sur l’année analysée, 11,8 % d’entre eux ont montré des difficultés en lecture, et 5 % d’entre eux ont pu être considérés en situation d’illettrisme. La Depp découpe l’efficacité en lecture en trois dimensions : “traitements complexes”, “automaticité de la lecture”, et “connaissance du vocabulaire”. Ce sont, finalement, les trois critères de réussite à réunir pour atteindre le haut du classement, le grade 2 du “lecteur efficace”, comme le détaille ce tableau issu de leur étude :
Le portrait est assez éloquent, et questionne sur les facteurs explicatifs d’une telle situation.
Quels sont les facteurs incriminables dans cette baisse notable des compétences des élèves en lecture ? Les travaux parlementaires ouvrent quelques pistes…
Comment expliquer cette baisse du niveau des élèves français ?
Le 24 janvier 2024, la Commission des affaires culturelles et de l’éducation rendait à l’Assemblée nationale ses conclusions sur le rapport de l’IGESR de janvier 2023 sur son enquête auprès des IEN. Cette mission d’information « sur l’apprentissage de la lecture », commandée par le Premier ministre Gabriel Attal, visait à évaluer “l’appropriation des évaluations nationales de CP, CE1 et de sixième dans le pilotage des circonscriptions du premier degré”. La commission a donc porté devant les députés les résultats rendus par l’IGESR, et présenté les lacunes du système éducatif et les pistes de travail identifiées.
La conclusion générale de l’IGESR : “Les données de l’application APAE, complétées de celles fournies par l’enquête menée par la mission, révèlent que seule la stabilité des équipes pédagogiques revient de façon récurrente comme caractéristique des circonscriptions dont les résultats aux évaluations se détachent avantageusement des résultats moyens à sociologie égale.”A l’appui de ce constat, il serait intéressant d’identifier les causes de l’instabilité qui grève ainsi l’efficience des équipes pédagogiques, dont témoignent les résultats des évaluations nationales, mais ce n’est pas le sujet du rapport.
Quant à la conclusion principale de la commission parlementaire, elle est celle-ci : « la faiblesse des résultats des élèves français en lecture tient à la faiblesse de la formation de leurs enseignants.”
Alors, problème de stabilité des équipes pédagogiques ou de formation des enseignants ? En vérité, il ne s’agit que des causes les plus criantes au milieu d’un bouillon de facteurs conduisant à cet échec.
Intéressons-nous donc avec les députés aux multiples causes ici en jeu : “Quelles sont les causes de cet échec ?”
Aux analystes qui ne voudraient tenir pour responsable que le manque de moyens, comme la majeure partie du corps éducatif officiant au sein des écoles, Mme Genevard et M. Le Vigoureux répondent dès le quatrième paragraphe de leur rapport :
“Si la question des moyens financiers accordés à l’école est importante, elle ne peut, pour les rapporteurs, expliquer la faiblesse des résultats. L’échec des politiques menées qui reposaient sur le seul postulat du manque de moyens conduit en effet à douter que là réside l’origine du problème.”
Pour tordre le coup à cette hypothèse, les députés veulent replacer cette partie du problème au sein de son tout :
“Insuffisance de la formation des enseignants du premier degré aux spécificités de l’apprentissage de la lecture ; nécessité de les encadrer davantage et de systématiser le travail en réseau ; révision des manuels mais aussi – et surtout – des méthodes mises en œuvre dans les classes ; implication plus grande des familles et promotion plus large de la lecture auprès d’elles.”
Ils formalisent ici une liste claire et précise de leviers d’action, qu’ils détailleront en quelque 35 propositions à la fin de leur rapport. Mais pour concevoir ces pistes de solution, il leur a fallu mener une analyse approfondie des différentes causes du problème. Pour tenter d’expliquer “les résultats médiocres des élèves français”, l’IGESR a conduit en parallèle une étude quantitative et une étude de terrain, s’intéressant aux “failles du système d’éducation français” qui expliquent et perpétuent les difficultés structurelles et minent les résultats des élèves français en lecture.
SUITE AU PROCHAIN EPISODE…
SOURCES
“PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves)”
https://www.education.gouv.fr/pisa-programme-international-pour-le-suivi-des-acquis-des-eleves-41558
Les résultats de PISA 2022 sont publiés par la DEPP sous forme de notes d’information :
« PISA 2022 : la France ne fait pas exception à la baisse généralisée des performances en culture mathématique dans l’OCDE », note d’information n° 23.48, V. Bernigole, A. Fernandez, M. Loi, F. Salles, Depp, 2023
« PISA 2022 : culture scientifique, compréhension de l’écrit et vie de l’élève », note d’information n° 23.49, A. Bret, H. Durand de Monestrol, M. Hick, F. Salles, A. Fernandez, M. Loi , 2023, Depp
« Classement Pisa : chute historique du score de la France en mathématiques », Henri Clavier, 5 décembre 2023
Depp, Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance [et service statistique ministériel]
« Journée défense et citoyenneté 2023 : un jeune Français sur vingt en situation d’illettrisme », note d’information n° 24.32, H. Giraudeau-Barthet, Depp, 2024
https://www.education.gouv.fr/media/196461/download
Rapport d’information n°2108, Assemblée nationale, 16e législature, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 24 janvier 2024, déposé en application de l’article 145 du règlement, par la commission des affaires culturelles et de l’éducation, en conclusion des travaux d’une mission d’information sur l’apprentissage de la lecture et présenté par Mme Annie Genevard et M. Fabrice Le Vigoureux, députés.
https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion-cedu/l16b2108_rapport-information
Citant le Rapport à monsieur le ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, “Appropriation des évaluations nationales de CP, CE1 et de sixième dans le pilotage des circonscriptions du premier degré”, N° 21-22 081A, Matthieu Lahaye et Catherine Mottet, inspecteurs généraux de l’Éducation, du sport et de la recherche, janvier 2023
Rapport à monsieur le ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, “Cinq ans après la mise en place des évaluations nationales en français et mathématiques au CP, en CE1 et en 6ème”, N° 21-22 081A, Matthieu Lahaye et Catherine Mottet, inspecteurs généraux de l’Éducation, du sport et de la recherche, janvier 2023
APAE, application d’Aide au pilotage et à l’auto-évaluation, tableau de bord statistique à destination des directeurs d’école, remplacé par ARCHIPEL ( Application de restitution et de choix d’indicateurs de pilotage des établissements et écoles) depuis la rentrée 2023.
Voir « Indicateurs pour le pilotage des académies, des écoles et des établissements du 2nd degré », Depp
https://catalogue.depp.education.fr/index.php/catalog/193
“Archipel est une application qui propose un ensemble d’indicateurs statistiques par établissement précisément définis et calculés de manière homogène sur l’ensemble du territoire. Archipel est avant tout une application de restitution des données de la statistique publique. Les indicateurs qui s’y trouvent sont issus des systèmes d’information du ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse.” Rapport à monsieur le ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, “Cinq ans après la mise en place des évaluations nationales en français et mathématiques au CP, en CE1 et en 6ème”, N° 21-22 081A, Matthieu Lahaye et Catherine Mottet, inspecteurs généraux de l’Éducation, du sport et de la recherche, janvier 2023
Hélène Bertier, chercheuse en philosophie